La formation est un produit « vivant » – Interview de Karine Motisi

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Qui sommes-nous ? La semaine dernière, nous vous parlions de Caroline; cette semaine, nous vous présentons Karine, notre responsable pédagogique et ingénierie de formation. Son interview clôture la présentation de notre équipe.

Bonjour Karine, peux-tu te présenter aux lecteurs du blog TP Academy France ?

Bonjour, je suis la responsable pédagogique et ingénierie de formation au sein de l’académie.

Peux-tu nous parler de ton parcours ? Comment es-tu arrivée à ce poste ?

Karine-Motisi-interview-teleperformanceC’est en janvier 96 (oui oui, 1900…) que je suis rentrée à Teleperformance en tant que TéléActrice (l’ancêtre de conseiller client). Le job étudiant par excellence qui permettait d’alterner un petit boulot avec ses heures de cours. Moins d’un an plus tard, je suis passé Superviseur. Et c’est en 98 que j’ai rejoint l’équipe formation.

Souhaitant m’orienter dans l’enseignement après mes études, j’avais donc trouvé chaussure à mon pied avec cette opportunité offerte par l’Organisme de Formation de Teleperformance. Forte de mon expérience « terrain », je suis donc devenue formatrice dans le domaine de la relation client.

Quelques années plus tard, mon périmètre d’action s’élargit et je deviens Consultante formatrice puis coordinatrice de l’ingénierie et de l’équipe pédagogique. Jusqu’à occuper mon poste actuel depuis maintenant 10 ans.

Quelles sont les missions qui te sont confiées ? As-tu une journée type ?

Différentes et enrichissantes missions constituent ma fonction. Dans les grandes lignes, je pilote l’équipe formation, j’assure la montée en compétence des formateurs. J’élabore les propositions commerciales et rédige les réponses aux appels d’offres. J’assure une veille de la formation professionnelle. Et bien sûr, je travaille sur l’ingénierie de formation en tenant compte des évolutions de la relation client et des différents canaux de communication.

Une journée type ?

La formation est un produit « vivant ». Pour le coup, les activités et missions inhérentes à ce domaine font que les journées se suivent mais ne se ressemblent pas du tout. Et c’est bien un avantage, du moins un aspect positif dans l’univers professionnel.

Je peux tout à fait commencer sereinement la journée en me penchant sur le cahier des charges d’un appel d’offre, puis devoir interagir avec un de nos clients sur une formation à venir sur sa partie organisationnelle, et enchaîner sur la recherche d’une solution pédagogique innovante pour parfaire l’apprentissage d’un groupe en cours de formation pour pallier un dysfonctionnement technique. Ou encore, revoir l’ingénierie de formation en prenant en compte la nouvelle donne issue de la Réforme de la formation Professionnelle qui impacte aussi bien notre O.F que nos interlocuteurs commanditaires.

C’est également préparer mes propres animations de formation et le pilotage de mon équipe. Bien sûr, l’ensemble parsemé d’agréables et ludiques échanges avec mes collaborateurs.

A quoi faut-il prêter attention lorsque l’on répond à une demande de formation ?

C’est d’abord savoir se poser les bonnes questions afin de rédiger un schéma d’actions qui répond au mieux au besoin de notre commanditaire. Et plus précisément aux besoins des futurs participants quant aux enjeux visés par la formation. Ainsi, il est nécessaire de connaître davantage le profil des collaborateurs concernés : leur parcours professionnel, leurs antécédentes formations, les difficultés actuelles rencontrées, les points forts, en quoi la formation va les aider….

C’est aussi bien comprendre les objectifs opérationnels attendus pour élaborer de façon cohérente les objectifs pédagogiques. Voir notre billet sur le sujet

Quelles sont les règles essentielles de pédagogie à respecter lorsque tu conçois un support de formation ?

S’il y a bien UNE règle essentielle, c’est de toujours garder en mémoire que la formation est tournée vers l’apprenant et non vers le formateur. Les méthodes pédagogiques doivent permettre au stagiaire d’être capable de savoir, de savoir-faire, de savoir être. Et pour en savoir plus, je vous invite à lire mon billet sur ce thème

Quelles sont les différentes façons de faire en termes d’activités pédagogiques afin de « sortir de l’ordinaire » ?

Les activités pédagogiques sont l’élément clé pour la réussite de la formation. Il s’agit davantage de considérer le processus d’apprentissage des individus pour déjà s’éloigner de « l’ordinaire », du moins en faire des individus extraordinaires.

C’est également un subtil dosage entre des méthodes magistrales, participatives, démonstratives, analogiques… La mise en pratique, sous forme d’entrainement, le droit à l’erreur pour permettre l’implication de tous. Bien sûr, ce sont aussi des formats de supports de formation qui peuvent donner davantage de relief au contenu et donc à la dispense. Les adapter au monde numérique qui nous entoure.

Toutefois, j’ai envie de dire : qu’importe le média utilisé aussi moderne soit-il, il s’agit avant tout de relations humaines qu’il est nécessaire de garder à l’esprit. Le formateur reste un facilitateur, celui qui met à jour des potentiels cachés (parfois bien cachés). Ce pourquoi nous devrions parler plus souvent d’andragogie.

Quelles sont les prochaines évolutions de l’ingénierie et de la pédagogie d’après toi ?

Par exemple, la « digitalisation de la formation», bonne ou mauvaise idée ?

Bonne nouvelle ! Elles sont en constante évolution. Déjà parce que l’ère du digital se démocratise et que l’univers des réseaux sociaux et des communautés font eux-mêmes évoluer la relation client. On parle d’Expérience client à présent. On voit une tendance assez prononcée avec la bascule de l’ingénierie en mode web, e.learning, mooc, classe et réalité virtuelles… Ça c’est pour le côté moyens.

Sur l’aspect apprenant, c’est ne pas perdre de vue que les générations actuelles et à venir n’obéissent pas aux mêmes règles d’apprentissage et de comportements professionnels (il n’y a qu’à voir la refonte des systèmes éducatifs de ces dernières décennies).

De ma fenêtre, j’entrevois une profonde mutation des techniques d’appropriation de la formation grâce aux nouvelles technologies. Est-ce que le mooc va détrôner le E.learning ? Est-ce que les classes virtuelles vont optimiser l’implication des participants ? Est-ce que la réalité virtuelle va pouvoir répondre aux compétences attendues de tous les secteurs d’activité ?

Enfin, est-ce qu’une prochaine étape sera l’hologramme du formateur ? Car in fine, si la digitalisation permet des avancées en matière de pédagogie, il reste nécessaire de préserver le contact humain pour maintenir une interactivité incontournable dans la formation professionnelle.

As-tu une anecdote à raconter ou un message que tu aimerais passer à nos lecteurs ?

Je collectionne de nombreuses anecdotes car j’ai pu rencontrer plusieurs centaines de personnes au cours de mes différentes formations. Plusieurs m’ont marquée, comme cette fois où les stagiaires venaient à reculons à leur formation, craignant la critique et ne sachant pas comment affronter la remise en question. Et à l’issue du cursus, ces mêmes stagiaires vous gratifient d’un MERCI d’une sincérité à vous mettre les poils au garde à vous.

Ou encore cette autre fois lors de ma dispense à la gestion du stress et des émotions, ce groupe a su se livrer sans tabou tant la confiance était de mise dans la salle et tant les thèmes enseignés leur ont permis de regarder les choses d’un angle différent aussi bien sur l’aspect professionnel que personnel.

Mais il y a surtout ce groupe venu en formation dont le thème avait été décidé par leur direction. Et lors du tour de table d’introduction pour recueillir les attentes, je m’aperçois que le thème en question n’allait pas y répondre. Un choix cornélien s’est alors imposé à moi : continuer au risque d’engendrer des frustrations ? Ou dispenser la formation dont ces personnes avaient besoin ? Après un échange factuel avec leur direction et son aval, j’ai donc pris l’initiative de leur délivrer LA formation qui répondait à leurs attentes. Alors, symboliquement je les ai invités à déchirer leur programme pour repartir sur un nouveau. Quel succès ! Des étoiles dans les yeux, des participants remotivés et prêts à reprendre leur poste de travail avec de nouvelles réponses pour une meilleure relation client et dans un intérêt mutuel. Certains d’entre eux m’avaient même surnommée Professeur Keating…

Cette dernière anecdote résume assez bien en quoi l’ingénierie de formation fait appel à une bonne phase d’analyse préparatoire, une bonne phase d’exécution, et surtout une adaptabilité de chaque instant.

Merci Karine !