Afin de mieux prendre en compte la remontée des taux, la Banque de France va passer du 1er février au 1er juillet à un calcul mensuel du taux d’usure ; ce taux que les banques n’ont pas le droit de dépasser pour consentir un prêt.
Le 20 janvier 2023, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a annoncé qu’il prendrait « la semaine prochaine un arrêté permettant l’entrée en vigueur de la révision mensuelle des taux d’usure dès le 1er février 2023 ». Cela concernera notamment les crédits immobiliers, les crédits à la consommation, mais aussi les crédits aux collectivités territoriales et aux associations.
Le taux d’usure, mais c’est quoi donc ?
Le taux d’usure est le Taux Annuel Effectif Global (TAEG) maximal (tout inclus : taux de crédit pratiqué par la banque, éventuelle commission des courtiers, l’assurance emprunteur si imposée par l’établissement de crédit …) auquel les banques peuvent prêter. Elles n’ont pas le droit de dépasser ce taux. L’objectif est ainsi de « protéger les emprunteurs, notamment les plus fragiles, d’une charge de la dette excessive », rappelle Bercy.
Depuis sa mise en place en 1966, le taux d’usure est révisé uniquement en début de chaque trimestre par la Banque de France. Elle le calcule selon cette règle : les taux moyens pratiqués par les banques au cours des trois derniers mois augmentés d’un tiers.
Il a ainsi été remonté au 1er janvier 2023, passant notamment de 3,05 % à 3,57 % pour un crédit immobilier de plus de 20 ans.
Quelles conséquences ?
À partir du 1er février et jusqu’au 1er juillet, la Banque de France va actualiser le taux d’usure chaque mois, au lieu de chaque trimestre. Un changement « temporaire » pour tenir compte de « la phase de remontée des taux de marché », explique le ministère de l’Économie.
Car, depuis plusieurs mois, les taux d’intérêt remontent dans le sillage des taux directeurs de la Banque centrale européenne, et ce, plus vite que le taux d’usure. Conséquence, cela restreint l’accès au crédit de certaines catégories d’emprunteurs. Tandis que les banques ont tendance à « geler » les dossiers de crédit en fin de trimestre pour attendre le prochain relèvement du taux d’usure. L’objectif de cette annonce est donc d’ouvrir un peu plus le robinet.
Une forte pression pour obtenir ce changement
La Banque de France n’y était initialement pas favorable. Mais les courtiers, les banquiers et même les notaires mi-novembre ont alerté les autorités sur des risques de blocage du marché immobilier.
« Le taux d’usure vise à protéger le consommateur et c’est très bien, mais il est basé sur un mauvais calcul par la Banque de France. Les chiffres utilisés sont déconnectés de la réalité du terrain. Par exemple, seul le premier mois du trimestre précédent est réellement pris en compte, ce qui accentue le décalage », confiait Bérangère Dubus, présidente du syndicat des Intermédiaires de Crédit (UIC).
Pas convaincu, le gouverneur de la Banque de France répondait à cette argumentation : « Les prêteurs qui réclament un relèvement supplémentaire du taux d’usure sont ceux qui veulent pouvoir prêter plus cher aux Français ».
Cependant, selon les chiffres de l’Observatoire Crédit Logement/CSA publiés il y a quelques jours, la production de crédit immobilier aurait chuté de 35 % au second semestre 2022 (en glissement annuel), et même de 44 % au quatrième trimestre (par rapport au précédent). Si la Banque de France a relevé pour sa part un marché du crédit immobilier à un plus haut historique en 2022 (hors année 2021), elle a constaté elle aussi un ralentissement – qu’elle voyait plutôt comme un début de normalisation – au second semestre 2022.