Voici une situation qui commence à sérieusement inquiéter les associations de consommateur et le législateur : l’usage généralisé du paiement fractionné. Un peu plus de la moitié des Français aurait déjà eu recours à cette nouvelle forme de facilité de paiement. À leurs risques et périls car la pratique n’est aujourd’hui pas encadrée par la loi sur le crédit consommation et peut donner lieu à des dérapages.
Un véritable phénomène de consommation
Comme nous le soulignait notre article précédent sur le sujet, de plus en plus d’enseignes et de sites de vente en ligne (La Redoute, Auchan, Fnac, Go Sport, Decathlon, Amazon, Rue Du Commerce, etc.), mais aussi des portefeuilles électroniques, comme PayPal, proposent au consommateur de régler ses emplettes en quatre fois. La proposition est d’autant plus alléchante que les frais liés à cet étalement sont dans de nombreux cas réduits à zéro. C’est le vendeur qui en supporte la charge. Si ce dernier est prêt à en prendre le risque, c’est qu’il y trouve son intérêt : selon une étude réalisée par un prestataire de paiement, le panier de l’acheteur est en moyenne 20 à 50 % plus élevé que celui au comptant.
Mais les alertes se multiplient pour mettre en garde les consommateurs contre les risques de cette nouvelle facilité de paiement. Dernièrement, c’est un rapport du député LREM Philippe Chassaing sur la prévention du surendettement qui pointe le danger du paiement fractionné et réclame un encadrement de la pratique. Ce dernier estime notamment que le paiement fractionné devrait au minimum être soumis à des règles concernant la publicité, l’information du coût du crédit, et d’évaluation de la solvabilité de l’emprunteur.
Un crédit sans loi
En effet, cette forme de prêt passe sous les radars de la loi sur le crédit à la consommation qui vise les crédits d’un montant supérieur à 200 € ou d’une durée supérieure à 3 mois. Les montants en jeu en cas de paiement fractionné n’atteignent généralement pas ces limites.
Les dispositions spécifiques de protection des emprunteurs (information précontractuelle, obligation au prêteur de consulter le fichier des incidents de paiement, droit de rétractation de l’emprunteur, etc.) peuvent alors être contournées. À noter que les offres « universelles » les plus récentes (comme Oney +) qui proposent une carte de paiement permettant de payer ses achats en trois ou quatre fois chez tous les commerçants (y compris garagiste, vétérinaire, artisan, etc.) constituent en revanche bien un crédit. Elles sont ainsi réglementées comme telles.
Un examen du dossier de l’emprunteur doit notamment être réalisé par le prestataire de paiement avant l’octroi de la carte. Ce n’est pas le cas en revanche des portefeuilles électroniques, notamment PayPal, qui permettent pourtant le paiement fractionné auprès d’une multitude de commerçants (avec l’accord de ces derniers).
Le spectre du surendettement
Les risques du paiement fractionnés ne sont pourtant pas nuls, loin de là, à commencer par des frais sortis du chapeau. Si l’achat fractionné est souvent gratuit, les frais en cas d’incident de paiement flambent rapidement. Bien au-delà du taux autorisé en cas de crédit à la consommation.
Certains opérateurs n’hésitent pas en effet à pratiquer des pénalités de retard atteignant 30 ou 40 % du capital restant dû. Et cela peut arriver vite. Par exemple, si le plafond de dépenses mensuel de sa carte est atteint, une mensualité de remboursement pourra être bloquée, entraînant ainsi des pénalités de retard.
Bien sûr, à terme, comme le souligne le député Philippe Chassaing, le véritable risque est le surendettement. Selon une porte-parole d’Oney, le paiement fractionné serait un déclencheur d’achat pour 72 % des consommateurs. À l’étape du règlement, la faible somme à débourser (20 € par exemple pour un blouson à 80 €), minimise très nettement la perception de la dépense chez le consommateur.